top of page

Paul Verlaine naît le 30 mars 1844 à Metz, où son père, officier, est alors en garnison. Longtemps restés sans enfant, les époux Verlaine avaient recueilli à sa naissance, en 1836, leur nièce Élisa Moncomble. Si Élisa assume auprès de Paul le rôle de grande sœur bienveillante, Paul tombe éperdument amoureux de sa cousine.

Après son mariage en 1858, Élisa quitte la famille Verlaine, installée entre-temps à Paris, pour vivre avec son mari à Lécluse, près de Douai. Inconsolable, Verlaine est morne et seul. Il épanche son cœur en composant des poèmes.

En 1862, son baccalauréat en poche, il passe les vacances d’été à Lécluse, auprès d’Élisa et de son mari. À cette occasion, il essaie en vain de conquérir le cœur de sa cousine.

De retour à Paris, Verlaine travaille sans grande conviction à l’hôtel de ville de Paris. En 1865, il est chargé de la critique littéraire dans la revue L’Art, et fréquente les cafés et salons littéraires. Cette même année, il séjourne de nouveau à Lécluse. L’émotion ressentie en retrouvant son lieu de vacances est perceptible dans Après trois ans.

 

Contrairement à ce que son titre suggère, Promenade sentimentale n’est pas l’évocation de moments amoureux privilégiés. C’est un épanchement mélancolique, presque funèbre, sur son amour impossible pour sa cousine Élisa Moncomble. Thème récurrent chez ce poète qui se dit sous l’influence néfaste de la planète Saturne, la mélancolie confine ici à la complaisance morbide.

 

Verlaine n’écrit pas uniquement par dépit amoureux. Cet homme d’une très grande sensibilité est aussi en proie à de vives inquiétudes et à des angoisses, perceptibles dans les poèmes Cauchemar et Soleils couchants.

Dans Cauchemar, Verlaine tente d’exorciser par la musique l’inquiétude qui le ronge.

D’une grande richesse évocatrice, Soleils couchants est quant à elle une poésie de l’angoisse. Croyant y échapper grâce à la douce mélancolie qui berce son cœur, Verlaine demeure sous l’emprise de l’angoisse. Ses démons l’emportent et ne lui accordent aucune trêve.

 

En 1867, Élisa décède. Effondré, Verlaine sombre dans l’alcool et s’étourdit d’activités.

 

C’est en 1869 que le poète rencontre véritablement l’amour. Il projette d’écrire le livret d’une opérette-bouffe, dans le genre de celles d’Hervé ou d’Offenbach. Son ami Charles de Sivry en composera la musique. C’est ainsi qu’un après-midi de juin, Charles le reçoit dans sa chambre, au domicile des Mauté de Fleurville. Les jeunes gens bavardent, lorsque s’ouvre la porte. Une jeune fille passe la tête et fait mine de se retirer :

« Tu peux rester avec nous, dit Charles. Monsieur est un poète. C’est Verlaine... Tu sais bien ?

– Oui... j’aime beaucoup les poètes, Monsieur ! Mon frère m’a souvent parlé de vous et même m’a fait lire de vos vers qui sont peut-être trop forts pour moi, mais qui me plaisent tout de même bien. »

Verlaine, ce jour-là, tombe sous le charme de Mathilde, née du remariage de la mère de Charles avec Théodore Mauté. Sans prendre le temps de la réflexion, il adresse à son ami une lettre peu protocolaire mais sincère pour lui demander la main de sa demi-sœur. Cette décision aussi spontanée qu’extravagante d’épouser une jeune fille de 16 ans entrevue le temps de quelques phrases ne peut s’expliquer que par les complexes du poète dans sa jeunesse. Il souffre de son physique, qui lui vaut le sobriquet « d’orang-outang échappé du Jardin des plantes ». Il donne le change en pratiquant l’autodérision. Jamais ses amis ne l’ont vu donner le bras à une femme, personne ne lui connaît de maîtresse. Sa rencontre avec Mathilde marque ainsi un tournant dans sa vie : pour la première fois, une fille jeune et jolie n’affiche pas une mine épouvantée ou un sourire narquois en le voyant. Paul Verlaine épousera Mathilde le 11 août 1870. Le bonheur qu’il ressent auprès de sa femme lui inspire une série de poèmes, dont La Bonne Chanson.

 

Dans une atmosphère de lendemain de guerre – la guerre franco-prussienne –, Mathilde lui donne un fils, Georges. En cette même année 1871, Paul Verlaine fait la connaissance du jeune Arthur Rimbaud, dont il tombe amoureux.

 

En 1872, sur un coup de tête, Verlaine quitte Mathilde pour suivre Rimbaud en Angleterre. Après avoir en vain essayé de ramener son mari, Mathilde demande le divorce. La relation entre les deux poètes est houleuse, mais c’est durant cette période que naîtront sous les plumes des deux poètes des vers magnifiques, qui sont aujourd’hui encore sur toutes les lèvres. De Verlaine, on retiendra :

Il pleure dans mon cœur

Dans l’interminable…

 

Loin de Mathilde, rongé de regrets et de remords, Verlaine rêve de la femme parfaite qui résoudra toutes ses contradictions en lui donnant tous les bonheurs à la fois.

 

Ô triste était mon âme

Chanson d’automne

 

En avril 1873, Verlaine connaît à Londres des jours difficiles. Il a quitté femme et enfant pour vivre une expérience libératrice aux côtés d’Arthur Rimbaud. Or Rimbaud a pris ses distances et séjourne en Belgique. Seul et malade, Verlaine décide de l’y rejoindre et embarque à Douvres sur le vapeur Comtesse de Flandre. Souvenir obsessionnel de l’épouse perdue ? Rencontre à bord ? Allégorie du navire ? C’est dans l’euphorie de la traversée qu’il compose le poème Beams.

 

En juillet 1873, au cours d’une violente dispute, Verlaine tire un coup de revolver sur Rimbaud. La blessure est légère, mais Verlaine est condamné par la justice belge à deux ans de prison pour tentative de meurtre. Pendant son incarcération, Verlaine renoue brusquement avec la foi catholique de son enfance en août 1874.

Les poèmes écrits à cette époque seront réunis dans le recueil Sagesse. Poignant de pathétisme, Écoutez la chanson bien douce exprime son nouvel idéal chrétien. Sa chanson nous émeut, son repentir paraît sincère. Toutefois, personne, pas même le poète, n’est assez naïf pour croire à la pérennité de cette nouvelle morale qu’il qualifie de claire en fin de poème.

Dans ce recueil du repentir, Verlaine fait aussi des retours douloureux sur le passé. La Chanson de Gaspard Hauser en est une illustration.

À l’époque, Verlaine nourrit encore l’espoir de reprendre la vie conjugale avec Mathilde, comme il transparaît dans le poème Green, publié dans le recueil Romances sans paroles.

 

Une fois libéré, Paul Verlaine devient répétiteur de français dans une institution jésuite et se prend d’une affection toute paternelle pour son élève Lucien Létinois. En 1880, avec les dernières économies de sa mère, Verlaine achète dans les Ardennes, d’où Lucien est originaire, une ferme. Mal gérée, l’exploitation fait faillite en 1882. Quand, un an plus tard, Lucien succombe à la fièvre typhoïde, Verlaine sombre dans l’alcoolisme. Il perd sa mère en 1886 et se voit réduit à la mendicité. Il publiera encore des poèmes, qui seront hélas loin d’atteindre la qualité des recueils antérieurs. Usé par l’alcool et la maladie, Paul Verlaine décède en 1896, à l’âge de 51 ans, d’une pneumonie aiguë.

 

© 2020 par La Voix & l'Archet

 

bottom of page